Le Pourim Frimer

Le Pourim Frimer

Date Hébraïque: 21 Adar

Localisation: Washington, Etats-Unis

Ainsi vous pensiez que cela ne pouvait arriver ici! [i]

Mercredi 9 mars 1977.  Après de longues semaines d'un hiver glacial, un soleil radieux réchauffe ce matin, la capitale fédérale des Etats-Unis, Washington D.C..

Pour les représentants d'institutions et organisations juives de Washington, cette journée s'annonce comme particulièrement importante. En effet, Itzak Rabin,  Premier Ministre de l'Etat d'Israël doit rencontrer ce jour à la Maison Blanche le président des Etats Unis,  Jimmy Carter. Le premier ministre de l'Etat d'Israël était, il y  a peu, l'ambassadeur, très apprécié, d'Israël à Washington où il y a conservé de nombreux liens.

Norman E frimer 1Une rencontre est donc prévue dans la journée entre Itzak Rabin et des représentants de différentes organisations. Le rabbin Norman Frimer, 61 ans,  président d'une fondation du  B'nai Brith doit assister à l'une de ces rencontres. Norman Frimer (photo à droite) est arrivé tôt à son bureau, ce matin là,  dans l'immeuble du siège mondial du B'nai Brith, en plein centre de Washington, à deux pas de la Maison Blanche. La matinée s'écoule rapidement dans un climat serein rendu agréable par ce soleil rayonnant.

Il est onze heures, passées de quelques minutes, lorsqu'au calme et à la sérénité succède le hurlement de sirènes d'alarmes dans et à l'extérieur du bâtiment.

Par un appel téléphonique au poste de surveillance, le rabbin Frimer apprend que : "Nous avons un petit problème. Rien de très sérieux. La police va prendre cela en main, très rapidement".
Mais l'incident n'est pas anodin.

Ainsi, ce matin, l'immeuble du B'nai Brith est le troisième immeuble, après ceux du Conseil Municipal et du Centre Islamique, à être pris d'assaut par un commando d'hommes armés se  présentant comme des musulmans Hanafi.  Ce groupe, quasi inconnu,  de musulmans noirs est dirigé par Hamaas Abdul Kaalis qui s'était séparé du mouvement "La Nation de l'Islam" à la suite du meurtre de membres de sa famille par des adeptes de ce mouvement.

C'est ce leader qui dirige le commando qui a pris d'assaut l'immeuble du B'nai Brith.
Lors de l'attaque des premiers immeubles le sang a coulé:  un journaliste de radio a été tué et plusieurs personnes ont été blessées.

Dans l'immeuble, la terreur s'installe très vite parmi les otages. Les hommes du commando sont équipés d'armes blanches et d'armes à feu. Plus d'une centaine d'otages, de différentes races,  religions et origines vont partager des heures difficiles.

Le leader du commando annonce à ses otages  que si ses revendications ne sont pas totalement satisfaites il les exécutera. Il désigne huit messieurs d'un certain âge  qui seront les "premiers à y passer"  et seront pendus aux fenêtres afin que l'on mesure sa détermination.  

Les otages sont regroupés.  Pendant ce déplacement, Norman Frimer reçoit un violent coup sur le crâne, asséné avec un pistolet. Se retournant vers son agresseur, il reçoit un autre coup dans le dos qui l'envoie voler et atterrir plus loin dans la pièce.   

Allongé sur le sol, il lui faut récupérer sa calotte qui est tombée près de lui sous l'effet du premier coup. Il pense que sa "Yarmulke" est peut être la cause de ce premier coup, et que cette récupération risque de lui coûter la vie.  
Il la récupère.

Plus tard, tous les otages sont regroupés au 8ème étage.
Les conditions de détention des otages deviennent très pénibles, atteints dans leur mobilité à cause des  pieds et poings liés, atteints dans leur humanité à cause des traitements qu'ils subissent.

Le lendemain, jeudi 10 mars 1977.
Au cours de cette journée, à deux reprises, les ravisseurs, craignant une attaque de la police se précipitent auprès des otages en les menaçant avec leurs pistolets et leurs machettes. Nombreux parmi ces otages se joignent aussitôt dans la récitation commune du "Chema  Israël..." , profession de foi, proclamant l'unicité de Dieu, que les juifs doivent prononcer au moment de rendre leur dernier souffle.
Vendredi 11 mars 1977.

Au bout de 39 heures,  la prise d'otages se termine par la reddition du commando et la libération de plus de 130 otages, sains et saufs.
Cette libération a été obtenu grâce aux efforts de trois ambassadeurs de pays musulmans, ceux d'Egypte, d'Iran et du Pakistan qui ont réussi à persuader Khaalis de se rendre en mettant en avant les passages du Coran qui réclament la compassion et la miséricorde.

Déjà, au milieu de cette épreuve, le rabbin Norman Frimer envisagea l'instauration d'un Pourim familial en cas d'issue heureuse.

Un conseil de famille adopta l'instauration d'un jour de jeûne le 20 Adar, suivi d'un Pourim familial le 21 Adar, soit exactement une semaine après le Pourim d'Esther.
Ainsi a été célébré dès 1978, le premier Pourim spécial ou Pourim katane (petit Pourim) lié à l'histoire des Etats-Unis : le Pourim Frimer.
Le rabbin Norman Frimer est décédé en décembre 1993.
Malgré la décision initiale de célébrer ce Pourim uniquement pendant la vie du Rabbin Norman Frimer, sa famille continue aujourd'hui à le fêter.   

[i] Ceci est la traduction du titre d'un article du Rabbin Norman Frimer à partir duquel a été construit ce récit:
"SO YOU THOUGHT IT COULDN'T HAPPEN HERE" paru dans son ouvrage " A Jewish Quest For Religious Meanings : Collected Essays"
Ktav publishing house inc in association with B'nai B'rith Hillel Fondations.  1993. Hoboken, N.J.
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